« CES PETITS TAS
D'OMBRE ET DE LUMIÈRE » (1)
ŒUVRES
ORIGINALES SUR PAPIER DE FRÉDÉRIC BENRATH
(texte du
catalogue de l'exposition au musée de
Cherbourg décembre 2017-mars 2018)
« Nous avons en nous
d'immenses étendues que nous n'arriverons jamais à talonner; mais elles sont
utiles à l'âpreté de nos climats, propices à notre éveil comme à nos
perditions ».
(René Char, Les Matinaux)
DÉBRIS D'ÉTOILES
«
Mes œuvres sur papier, puis aujourd'hui sur carton, délimitent un territoire
qui leur est propre ». Le 13 décembre 1987, Frédéric Benrath écrivait ces mots
à son grand ami et complice dans la pensée créatrice, l'écrivain et philosophe
Jean-Noël Vuarnet, avant de citer Hölderlin : « chaque jour cherchant une autre
voie ». Dans cette lettre, il donnait clairement un statut particulier à
l'ensemble de ses œuvres sur papier uniques ou en séries. Jamais il ne les a
considérées comme secondaires ou marginales, ni comme esquisses préparatoires à
une grande œuvre finale destinée à être par la suite en quelque sorte sacralisée
sur toile. Pour lui, elles composaient, et composent à elles seules une sorte
de corpus en soi, un grand tout cohérent et autonome.
« Débris d'étoiles / je ferai de vous un
univers » (2). Benrath aimait citer cette phrase des Fragments
posthumes de Nietzsche, son philosophe de prédilection, auprès duquel il
s'est ressourcé toute sa vie pour éclairer après coup sa démarche picturale.
Pour suivre cette métaphore, dans l'univers galactique imaginaire que serait
l'ensemble de son parcours, il y aurait en quelque sorte la constellation des
œuvres sur papier, et la constellation des huiles sur toiles. Avec, entre
elles, un jeu relationnel complexe, tantôt en alternance ou en concordance,
tantôt en ressemblance ou en dissemblance...
PETITS FORMATS ÉCHAPPÉS « AU GRENIER DES
VIEILLES LUNES »
Une des principales caractéristiques des
œuvres sur papier, par rapport aux toiles, est la restriction des dimensions
possibles. La plus grande exposée ici est un triptyque, acrylique sur papier
marouflé sur toile de 75x168 cm, datée de 1992. Les
plus petites sont des miniatures de quelques centimètres carrés. Il est à
remarquer que Benrath a peint très peu de petites toiles. En juin 1978, il me confiait : « je crois que je vais
remiser ces petits formats au grenier des vieilles lunes », se sentant « trop
contraint » par eux. En revanche, le 25 décembre 1977, il constatait
s'être « enfin retrouvé dans les différentes voies que sont très souvent les
œuvres de petites dimensions ». Ceci pouvait concerner ses œuvres sur papier,
parfois même si petites qu'il les envoyait sous enveloppes de format standard. Malgré la contrainte dimensionnelle, l'intérêt du support papier est
d'offrir une grande liberté d'expérimentations de toutes sortes, dont Benrath a
exploré le vaste champ de recherche dans ses inépuisables possibilités :
l'extraordinaire variété dans la qualité des papiers, la nature des outils,
diluants et médiums (hormis, semble-t-il, les pastels secs ou à l'huile),
encres, aquarelle, gouache, brou de noix, acrylique, huile, sans compter les
techniques mixtes, en collages, ou diverses émulsions plus ou moins orthodoxes
au secret non divulgué.
COLLAGES, TRESSAGES, DÉTOURS ET DÉCHIRS
La nature même du
papier permet toutes sortes d'actions sur lui, et avec lui : déchirer,
froisser, plier, gratter, lacérer,
inciser..., ce que Benrath a peu utilisé, mis à part les imprévisibles hasards
de l'énergie gestuelle trouant parfois le papier, la déchirure devenant alors
un élément plastique à part entière. Il a réalisé trois types de collages,
redonnant ainsi une nouvelle chance à certaines de ses œuvres sur papier,
destinées à la poubelle. D'une part des collages sans référence, avec
uniquement des morceaux de ses papiers peints, lui ont permis d'expérimenter
certaines techniques singulières comme le tressage, ou certains formats comme
les tondos (ronds) de 1984. D'autre part, en aventure unique, les collages
reproduits dans le livre de Jean-Marie Bloch, Les formes de l'empreinte, traduisent
sa vision picturale analytique de certaines photos, comme celles de Doisneau,
ou de Stieglitz. En dernier lieu, les cartes postales détournées, nées
d'un échange épistolaire entre Vuarnet et Benrath, mêlent certains éléments
figuratifs des cartes servant de support, avec des fragments abstraits de
peintures déchirées ou découpées, ainsi que des photos détourées, souvent en
relation avec la vie de l'expéditeur ou du destinataire. Ces dernières
compositions peuvent donc receler quelque chose d'intime et de confidentiel pas
forcément décelable à un regard non averti. Ce dialogue créateur entre les deux
amis a eu suffisamment d'importance pour qu'ils désirent en faire un livre.
Mais ce projet resta à l'état d'ébauche, non abouti pour de complexes raisons.
LA PEAU DU PAPIER
Imprévisible et
prometteuse présence du papier, aux innombrables ressources. Terreau fertile à
la fois avide et généreux, le papier se comporte comme un épiderme vivant,
sensible, avec son grain, aussi expressif que le timbre d'une voix. Jamais
passif, jamais neutre, le papier répond et s'émeut, toujours réactif, capable
de vibrer à la moindre intervention. Plus ou moins fragile, plus ou moins
souple, absorbant ou poreux, le papier peut s'enivrer, se gorger d'eau comme
une terre inondée. Une contrainte cependant : l'emploi de médiums solubles dans
l'eau, encres, gouache, aquarelle, acrylique, souvent utilisés par Benrath, sur
ce support perméable, exclut quasiment toute possibilité de repentir. Toute
trace colorée sur papier ne peut être effacée, peut difficilement être occultée
sous une autre. L'image apparaissante ne peut plus disparaître totalement au
profit d'une nouvelle autre, contrairement aux potentialités du travail à
l'huile sur toile. Ceci instaure une gestuelle et une gestion du temps très particulières.
LA PART DU VIDE
Tantôt la surface
de la feuille de papier est entièrement recouverte de couleur, à l'image
des tableaux sur toile. C'est le cas de
quelques œuvres, uniques ou en séries : en début de parcours, les gouaches des Zones
d'insécurité vers 1954-1958, et en fin de parcours les
tardives acryliques sur carton
d'après 1987, toutes les Pièces
brèves, Pour Hölderlin, Engadiner Brief, Péninsules, Contre-jour, jusqu'aux
ultimes presque monochromes Ainsi la nuit. Dans ces dernières, l'intense
irradiation vibratoire, portée à son paroxysme, semble monter du cœur même de
la pâte picturale, dans une dense symbiose trinitaire couleur-lumière-matière,
où profondeur et surface ne font plus qu'un. En période intermédiaire,
l'exceptionnelle série des Violets d'Égypte de 1968 fait apparaître
la lumière par translucidité soustractive dans le
déliement, voire le délitement, du nœud central.
Tantôt la surface n'est que partiellement peinte. Le blanc
du papier intervient alors comme vide, pur élément pictural, matière-lumière-espace,
soit en tant que "fond" mettant en valeur un "motif", soit
en réserves irrégulières à l'intérieur même des traces colorées. Ces œuvres
peuvent faire penser aux calligraphies d'extrême-orient. C'est le cas de
certaines séries titrées par Benrath lui-même, ainsi les Deltas lumineux souvent
associés aux Jardins du vide de 1981-1983, ou les Éros suspendus
de 1992. Il en est de même pour les séquences suivantes, hélas non titrées,
dans le passage progressif des griffures aux "nœuds". Pour faciliter
leur repérage, je me permets de leur attribuer un titre provisoire, en essayant
de respecter au plus près l'esprit des titres choisis par Benrath. Par exemple "Envols" pour
la série de 1960-1962, ou les "Fleurs de l'air" de 1963-1964, aux
fugaces et dynamiques évanescences mi-ailes mi-pétales. Ensuite
"Implosante-fixe" pour la séquence spasmodique des nœuds éclatés de
1971-1972 (en référence à cette phrase électrisante et si adéquate d'André
Breton dans L'Amour Fou : « la beauté convulsive sera érotique-voilée,
explosante-fixe, magique-circonstancielle, ou ne sera pas ». Mais aussi en
hommage prémonitoire au morceau musical Explosante-fixe de Pierre
Boulez, dont Benrath était fervent admirateur). En dernier lieu "Lacunaires" pour les aquarelles
horizontales de 2001 (préparatoires aux gravures du livre Fallacies of Hope,
avec les sonnets de Turner), dont les larges flux lagunaires striés de
vides ont quelque chose d'elliptique, d'inachevé, d'irrégulièrement alluvial.
LA LIGNE ET SES AVATARS... EN QUÊTE DE LA
LUMIÊRE ENFOUIE
Quelle que soit sa
manière d'investir en partie ou en totalité la surface du support, Benrath ne
dessine pas sur papier. Il peint. Il n'a jamais analysé sa peinture en tant que
"dessin", alors qu'il l'a fait pour son écriture: « Si la passion ne
me portait pas je crois que je devrais cesser immédiatement d'écrire. Mais la
correspondance est pour moi l'expression d'un dessein et le dessin de cette
expression. Le dessin a toujours été pour moi la mise en place d'un récit, son
inventaire, sa codification. Très souvent ce qui m'attire chez les dessinateurs
c'est le discours qui se désigne en creux, le blanc qui n'est pas le manque,
mais dont le contour noir l'inscrit en tant que forme, n'est que la désignation
de la forme. Ainsi de l'écriture (du moins de la mienne). Je n'exprime pas un
contenu, je travaille autour, ne sachant pas désigner ce contenu je m'inscris à
la périphérie, en espérant que se dessinera en creux ce que je souhaite dire
vraiment. » (Lettre à mon adresse du 25 décembre 1977).
Dans les œuvres
sur papier, plutôt que des lignes, on voit des traces, des flux, des vagues, ou
des étendues. Et quand, assez exceptionnellement, apparaissent des tentatives
de lignes, elles sont rarement déposées par un outil chargé de couleur. Elles
sont obtenues non par addition, mais par soustraction, balafre, biffure ou
gommage dans l'épaisseur de la pâte picturale, soit avec la pointe d'un "outil"
(manche de pinceau ? Et pourquoi pas ses ongles ?), soit avec la douceur
effaçante d'un chiffon, soit la rugosité râclante de larges brosses. Dans les
collages, cette suggestion linéaire apparaît par défaillance de la pellicule
colorée, dans les déchirures blanches du papier.
En 1990, Benrath
analysait comme un processus de « mise à nu » les premières « griffures »
balayant la surface entière de ses Zones d'insécurité des années 50-60.
Par elles « je détruisais mon propre travail, parce que je savais que mon
propre travail était porteur de trop de choses qui n'étaient pas de moi. […] Le
jeu de la griffure, chez moi, n'était pas un jeu d'écriture, mais un jeu de
dés-écriture. Défaire ce qui a trait à la peinture, ce qu'on appelle un peu la
syntaxe picturale, le rapport des couleurs, l'équilibre des formes, et tout
cela je voulais en faire une table rase, sans savoir où ça allait me conduire.
» (Entretien avec Claude Perrin Peintre et critique). Dans les années
90, une sobre graphie est apparue, toujours
incise dans la couleur, faisant ainsi remonter en surface la lumière
souterraine enfouie, la lumière des origines, dans cette quête dialectique du
clair et de l'obscur que fut toute sa vie l'œuvre de Benrath. Tantôt d'une
implacable rigueur en pure géométrie orthogonale, tantôt de façon tremblée,
imprécise, vibrante, avec une volontaire maladresse traçante. « Nous rejoignons
ici l'affirmation première que l'art est la perfection des formes inexactes.
" La plus grande perfection doit être imparfaite – dit de la peinture
chinoise un peintre taoïste – alors elle sera infinie dans son effet " .
Un cercle parfait, une verticale absolue sont de pures objectivités idéales qui
n'assument nullement, dans leur infaillibilité mathématique sans conflit, les incertitudes
des formes concrètes ou inventées, qui font de l'artiste le plus rigoureux un
homme qui, comme le dit Dante, a la rectitude de l'art et la main qui tremble.
» Benrath aimait beaucoup cette phrase de Dante, extraite du livre de
Maldiney Regard Parole Espace. Cette intrusion linéaire altérant
l'étendue colorée, parfois même sous forme de rature ou de croix, fut peut-être pour Benrath une
nouvelle façon de contrer la tentation illusionniste de voir dans sa peinture
une tentative de paysage, ce qu'il a toujours farouchement refusé. « Je suis
arrivé à faire des tableaux où il n'y a plus d'horizon, même plus les
pseudo-horizons, que ce travail sur la lumière ».
SUR TOILE OU SUR PAPIER : CE QUI ADVIENT,
CE QUI S'EFFACE... REVIENT ...OU NE
REVIENT PAS...
Pour mieux comprendre les modalités
spécifiques du travail sur papier, il est éclairant de faire un détour par le
travail à l'huile sur toile enduite. Cette dernière technique particulièrement
souple, au séchage très lent, sur un support assez rigide et imperméable offre
au peintre une relation durable, malléable, ductile, presque élastique avec la
pâte picturale. Dans l'espace d'une seule et unique toile, au cours du malaxage
des couleurs que le peintre fait directement sur la toile, une image peut surgir,
puis s'effacer au profit d'une nouvelle, qui s'efface à nouveau, et ainsi de
suite, en une succession d'images éphémères, toujours différentes, comme autant
d'« apparitions-disparaissantes » (Jankelevitch, L'Irréversible et
la nostalgie), jusqu'à l'arrêt sur image finale, s'imposant alors comme
définitive. Benrath a décrit ce processus comme « un éternel flux et reflux,
une montée suivi de retrait. […] Les éléments amoncelés se combinent et se
débinent ! Chaque tableau est une succession de tableaux qui émergent et qui
s'en vont. » (Entretien avec Jean-Noël Vuarnet, Le Peintre à la question,
1974).
Sur papier, le peintre effeuille le temps d'une autre manière. Chaque nouvelle image se fixe
aussitôt définitivement sur un nouvel espace. Pour employer une métaphore
pelliculaire, au continuum plutôt filmique du déroulement sur toile se
substitue un discontinu plutôt photographique des "prises" sur
papier. Toutes proportions gardées dans la durée, on pourrait dire de certaines
œuvres en séries qu'elles sont faites "en rafales". Dit autrement :
au « devenir fluidique » se substitue un devenir syncopé. Le 20 août
1978, j'évoquais déjà cela auprès de Benrath :
« la frange se confondant avec l'immensité dans cet espace où la matière
est esprit, où l'on passe d'un donné à l'autre de manière totalement alogique.
L'œuvre impose à sa lecture une nécessité folle qui n'est pas sans rappeler
celle d'Alice dans sa chute et son parcours apparemment fluide mais en réalité
traversant par sauts et ruptures des espaces irréductibles l'un à l'autre. La
transversalité étant peut-être le fil d'Ariane du discontinu,
labyrinthique. » En décembre 1987, À propos de quelques Pièces brèves, lui-même
s'en expliquait ainsi : « C'est donc vers le discontinu ou
dans le hiatus que réside le fondement de ces petites peintures ». Il
reprenait à son compte les expressions de « roche nue du langage »,
ou « langue sans intention », utilisées par Adorno pour décrire
l'absence de liaison dans l'écriture poétique, dite pataraxique, de Hölderlin.
À l'identique, dans l'impossibilité vécue pour Benrath de peindre en continuum
perpétuel, sa peinture sur papier se scande en quelque sorte en une suite
d'images dis-loquées. Entre chacune d'entre elles existe une pause, un écart,
une disjonction, une sorte d'apnée, qui peut être aussi le temps d'un inspir.
Ce que Blanchot appelle « le vertige de l'espacement » se produit
« là où la lacune se fait césure, puis cadence, et peut-être jonction.
Articuler le vide par le vide », dans une mouvance « en perpétuelle
poursuite, en perpétuelle rupture » (L'Entretien infini). L'analyse que fait ici Blanchot de l'écriture
fragmentaire chez Nietzsche peut s'appliquer mot pour mot à la peinture
fragmentaire de Benrath, dans sa création comme dans sa contemplation.
L'ÉTERNEL INSTANT
« On ne se baigne jamais deux fois dans le
même fleuve », aimait à dire Benrath, après Héraclite.
Dans les deux cas, sur toile et sur papier,
le peintre affronte toujours la même quête : rendre visibles Les États du
mouvant, pour reprendre le titre visionnaire d'un de ses tableaux de 1953-1954. Se
mettre en attente de l'inattendu. Savoir saisir l'insaisissable irréversibilité
de l'instant. Telle est sa démarche : traquer, harceler ce qui advient, parfois
le temps d'un battement de paupière. Tâche éternellement vouée à l'échec, car
le présent fait déjà partie du passé au moment où l'on en parle... Tenter,
toujours, l'improbable condensation du temps et de l'espace dans la surface
profonde de chaque œuvre. Peinture d'effraction, peinture de rapt. On peut dire
que Benrath est un « chasseur d'instants ». Il « ne laissera pas
échapper l'instant propice de l'occurrence-éclair. […] La capture du présent
fugace suppose la présence d'esprit et, du même coup, la célérité extrême, et
des réflexes extraordinairement rapides […].
Ni trop tôt ni trop tard, mais à temps ou à propos – ou mieux : à point nommé.
Le point-instant est une pointe dans l'espace infini, un maintenant
infinitésimal entre l'éternité antérieure et l'éternité ultérieure ».
(Jankelevitch, L'irréversible et la nostalgie). Chaque œuvre est un
point de rencontre entre l'instantané et l'immémorial.
Parvenir à capter l'éphémère phosphorescence,
la fine pointe d'un pur instant, ne peut se faire que dans un dé-saisissement
du moi, une sorte de dépersonnalisation, en l'absence de tout repère. D'où
cette perte d'identité, dont parle souvent Benrath. Le peintre est un enfant
âgé de mille ans. Cette sorte d'amnésie, ou
d'innocence première, fait monter, du plus lointain des temps et des
espaces, cette voix du fond des âges,
archétypale, comme une mémoire sans souvenir, qui se diffuse et se répand en
ondes et vibrations colorées dans le champ vierge du tableau, dans le silence
de son étendue. « Que de frémissements, que de mouvements furtifs du corps
ou de la conscience inaccessibles à des
paroles sont à la portée de ces phrases de la musique dont les signifiants sont
désencombrés des références précises que sont les mots d'une langue » (3). Ces
propos de Jean-Jacques Nattiez sur la musique s'adaptent très bien à la
peinture de Benrath. En réflexion partagée, le peintre lui-même
établissait une analogie entre ses Pièces brèves et la concision de
certaines compositions musicales, comme les quatuors de la fin du XIXe ou du XXe siècle.
Qu'est-ce que le
Temps ? Le Temps existe-t-il ? Ce questionnement de l'artiste-philosophe
rejoint d'autres quêtes similaires, ancestrales ou très modernes, comme celle
autour la notion de « Ma », l'espace/temps au Japon, jusqu'à
certaines recherches scientifiques très actuelles.
NOMADE DANS LES FRAGMENTS, CES BALBUTIEMENTS D'INFINI
Ce cheminement pictural dans les œuvres de
Benrath s'apparente à un voyage. Vuarnet définissait son ami comme un
« piéton de l'air ». Une migration dans les fragments, telle a
été, telle est, telle serait la perpétuelle errance de ces éternels arpenteurs
d'infini que sont le peintre et le regardant. Chaque instant fixé sur papier
est un fragment à la fois proche et différent de celui qui précède et de celui
qui suit. « Chaque tableau est un
fragment de cette totalité que constitue une série ; fragment qui en lui-même
est aussi une totalité » (4). Peindre, contempler,
c'est aller pas à pas, d'œuvre en œuvre, d'île en île, d'étoile en étoile,
d'expir en expir. En 1976, Benrath disait déjà de sa peinture :
« c'est un travail dans lequel je marche. […] Je voudrais, oui, qu'on
puisse y plonger, et même y respirer.
[…] Je
voudrais qu'on s'y promène » (5). Et plus de 20 ans après : « c'est une
lumière dans laquelle je marche et dans laquelle je respire » (6). Pour lui l'implication
du corps était totale dans cette « conquête du non-fini, difficile certes
parce qu'elle-même est infinie – sans cesse recommencée dans la déambulation ou
la nomadisation de l'espace pictural et son improbable fixation » (7). En
parenthèse digressive : dans le contact physique avec la peinture, véritable
corps à corps érotique, Benrath disait avoir besoin du trouble que lui
procurait l'odeur des pigments, liants et médiums, présente dans le travail à
l'huile, mais totalement absente de certaines techniques solubles à l'eau. Dès
1975, avec Bloody Mary et Fantômes, l'introduction de la
térébenthine lui permit de retrouver enfin dans le travail sur papier cet
indispensable et voluptueux plaisir sensuel.
Le corps, ce lieu
dynamique de passage, parcouru de tensions énergétiques et de flux émotionnels,
est le seul chemin d'accès aux univers hors normes donnés à voir – et à vivre –
dans ces œuvres. Corps extensible comme
celui d'Alice au pays des merveilles, auquel Benrath se substituait
métaphoriquement dans cette relation étroite entre le dedans et le dehors, créée
dans sa peinture, afin de « passer par le terrier [d'Alice] ou franchir
comme Gulliver d'immenses contrées » (8).
Le même jour il écrivait à Geneviève Bonnefoi : « mes petits
tableaux sont des trous de serrure sans clé, le voyeur n'étant pas celui qu'on
pense, il faut sans doute se faire petit pour " voir " ces petits
tableaux et grand comme Gulliver pour les autres ? » Faire en sorte que
l'espace s'espacifie et m'espacifie,
pour reprendre certaine expression de Michaux (9), dont il était fervent
lecteur. Les frontières du corps, comme celles du tableau, n'existent plus.
Benrath désirait que chaque œuvre, si petite soit-elle, soit vécue comme un
morceau d'infini : « l'espace illimité tel que je le conçois dans ma
peinture est limité dans le format du tableau mais il est illimité dans la
façon de le recevoir » (10). « Chaque peinture est émouvante en soi parce
qu'elle révèle un instant si bref soit-il où le peintre, dans l'espace fini de
la toile [ou de la feuille de papier], a dévoilé l'infini qui nous
hante » … « cet infini qui me hante comme un échec inévitable » (11).
L'ENTRE-MONDE OU L'AILLEURS DE L'AILLEURS
« Chaque
jour cherchant une autre voie » peut aussi se lire « chaque jour
cherchant un autre ailleurs », selon les traductions du poème Ménon
pleurant Diotima. « Qu'a donc l'homme à vouloir tant et tant ? me
demandais-je souvent ; que signifie cette infinité dans sa poitrine ?
Cette infinité ? mais où
est-elle ? Qui l'a jamais perçue ? » Ce douloureux questionnement de Hypérion,
double romanesque de Hölderlin, pourrait être celui du peintre. Il n'est
aucunement question pour Benrath de transcrire ce qu'il voit du monde
extérieur. Ce qu'il cherche est ailleurs, et même bien plus loin que
l'ailleurs, encore au-delà, dans un ailleurs de l'ailleurs... mais où ? Dans
quel espace interstitiel ou interstellaire ? « Comme toujours je peins non
la souffrance mais avec la souffrance, mais dans une extrême difficulté comme
si j'étais dans le monde et hors le monde, peut-être dans l'entre-monde.
Qui sait ? Et comme tu l'écris si justement, ce que nous ne savons pas est
infini », m'écrivait-il le 24 février 2005. Cet infini à la fois très
proche et très lointain, à portée de main et à jamais inatteignable, peut-être
le possédons-nous, au plus profond de nous-mêmes. Qui ne rêve de ces îles
perdues, Jardins de Babylone ou des Hespérides, entre nostalgie et utopie ? Il
y a toujours cet après, cet au-delà de l'horizon, au-delà de la mer, que le
jeune Tadzio, à la fin de Mort à Venise, désigne de son bras
tendu vers le large... L'infatigable chercheur convoite toujours l'autre
rive, au-delà de la ligne fictive, de l'impossible seuil séparant l'ici-bas et l'ailleurs,
le visible et l'invisible.
L'ÂME DU LAC
À la fin de sa vie,
parallèlement à l'ascèse de ses dernières œuvres, Benrath s'est attardé à
peindre sur papier, avec une infinie tendresse imprégnée d'humour léger, de
modestes petits arbres entrevus au bord d'un lac, ainsi Le petit arbre du
jardin des Hespérides et Le petit arbre qui voit double. Ce lac bien
réel, celui de Saint Sixte, découvert grâce à une amie poète, Sylvie Fabre G,
fut à l'origine d'un livre d'artiste fait avec elle, dans lequel les couleurs
des gravures ont été choisies par Benrath comme celles des quatre saisons. Que
le peintre ait ainsi dévoilé s'être quasiment "inspiré" de la nature
est un fait tellement rare qu'il est important de questionner cet aveu, à un
moment où toutes ses autres œuvres semblent irrémédiablement délestées de toute
attache au monde. Improbable côtoiement de
deux mondes apparemment inconciliables, entre le connu et l'inconnaissable,
entre présence et absence, entre être-là, et au-delà de l'être. Entre immanence
et transcendance.
Il n'y a cependant
là aucune tentation vers la figuration. « Benrath n'a peint
aucun lac, celui-là pas plus qu'un autre, aucun plus que celui-là. Qu'a-t-il
peint ? Qu'a-t-il vu ? L'essence du lac, ou l'âme de l'eau. » (Deus
Sive Natura). Dans ses propos étrangement prémonitoires de 1993,
Vuarnet fait-il référence à l'énigmatique peinture sur papier de 1964 titrée
(ou localisée) par le peintre lui-même
"Schlachtensee", lac très romantique de Berlin où il
séjournait à cette époque ?... On peut ajouter que Benrath n'a pas peint la
montagne ou la mer, les nuages ou les arbres, il a peint l'âme de la montagne ou de la mer, l'âme des
nuages ou des arbres. Peut-être pas non plus l'instant, mais l'âme de
l'instant. « L'âme de l'écart» (12)? L'âme de l'infini ?... Spectateurs du
plus humble morceau de nature, en même temps que visionnaires d'un monde autre,
c'est un peu comme si, à l'aube de la mort, « nous apprenions que
nous-mêmes avons d'abord été des arbres, et qu'en cela nous nourrissons en nous
l'espoir toujours inexaucé que ce lieu où nous rêvons de plonger nos racines
soit celui où la transcendance se déclare. » (13)
Peut-être
Benrath s'est-il posé la même question qu'Yves Bonnefoy dans L'Arrière-Pays,
au titre si évocateur, « est-ce ici
que finit ce que je quitte, est-ce ici que l'autre monde commence ? »
Comme en réponse à cette interrogation du
poète, le 20 novembre 2005, Benrath me dédicaça une de ses
dernières acryliques sur carton, d'un rouge flamboyant, en ces termes :
« de Ainsi la Nuit à La Nuit Ardente, et sous le signe des passions
brûlantes, le feu et ce qui consume et donc renaît à la vie ».
Cette expression proche de l'oxymore, figure de style chère au peintre, exprime
ici une des étapes de l'expérience existentielle que fut toute sa vie sa
peinture, la tension ultime entre deux absolus, l'extrême solitude nocturne et
l'incandescence de la passion.
« PEINDRE
POUR MOI C'EST PLUS QUE PEINDRE... »
(14)
* Pour simplifier la formulation de ce texte, la
dénomination globale « œuvres sur papier » inclut aussi les œuvres
sur carton.
(1) Lettre à Alice Baxter du 9 février 1980 : « Finalement j'ai interrompu cette lettre pour travailler,
j'essaie que chaque jour m'apporte son lot de peinture, c'est une discipline
qui ne va pas de soi, l'angoisse de la toile blanche, puis celle que révèlent
ces petits tas d'ombre et de lumière qui, d'un tableau à l'autre se mettent à
me poser bien des questions et pour lesquelles je ne suis pas sûr d'avoir de
réponse. Ces petits tas d'ombre et de lumière sont si peu de chose, si fragiles
en eux-mêmes, de si peu de poids... »
(2) Lettre à Alice Baxter du 15 août 1978,
et carton d'invitation d'une exposition personnelle en 1978.
(3) Quêtes d'absolus, 2009. Ouvrage
collectif de Jean-Jacques Nattiez, Pierre Boulez, Yves Bonnefoy, Carole
Besnier, Jeanne-Marie Conquer et Jonathan Goldman, qui devait se faire
originellement, avant son accident mortel, avec la collaboration de Benrath en
tant que peintre.
(4) Benrath. Entretien avec J.-M. Floch et
L. Régis, Contre-perspective, 1987.
(5) Entretien avec Jean-Noël
Vuarnet, Une sorte d'euphorie qui suspend l'image.
(6) Proches sur les plus séparés des
monts. Texte non publié sur son amitié avec Jean-Noël Vuarnet, 1997.
(7) Texte dactylographié non publié.
(8) Lettre à Alice Baxter du 5 avril 1976
(9) « L'espace m'espacifiait »
in Henri Michaux, Les Grandes épreuves
de l'esprit, 1966.
(10) Entretien avec Régine Lissarrague, Sur
les polyptyques. 2006.
(11) Lettres à Alice Baxter, du 9 février
1980 et du 15 juillet 1978.
(12) Anne de Staël, La remarque de
l'ours, in Le cahier océanique, édition La lettre volée, 2015.
(13) Titus-Carmel, Chemins ouvrant, co-auteur
Yves Bonnefoy. 2014.
(14) Lettre à Alice Baxter du 22 janvier 2020
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Alice Baxter
Extrait du texte "la Mémoire du Regard".
Revue Jungle n°6 sur la mémoire/l'amnésie.1982.
Moires
- déserts - rumeurs - comme dans la nuit -
(notes sur la peinture de Frédéric Benrath)
"Celui-là seul est apte à la contemplation
qui n'est esclave de rien".
Ruysbroeck
Désancré, délesté de tout point de repère,
le regard vague d'éclair en éclair, d'ombre en ombre, furtivement. Rien ne
balise plus son trajet, rien ne l'emprisonne dans cette peinture à la forme
faillie, à la structure absente. "Si forme il y a, je ne la veux que
fantomatique, aléatoire, que sa nécessité naisse de la nécessité du tout"
(FB. Lettre à Alice Baxter). L'espace n'offre plus aucune prise au
regard, et pourtant le prend tout entier, captivé, le regard, dans ce lieu de
perdition... Le corps a perdu son axe, l'espace a perdu le nord, la vision son
histoire... Peinture à la mémoire désintégrée. Face à elle, le corps lui-même
s'atomise ou s'ensable, à son image sans image. "Notre mémoire est
dehors, maintenant, répandue... brûlée" (1). Grains de pollen. Lieu
originel sans origine, où l'on assiste dans le même temps à la formation et à
la désintégration des éléments, à l'incessante construction-déconstruction de
la peinture, de tableau en tableau guettée, inquiétée, harcelée. Lieu
d'effondrement central, l'essentiel se passant à la périphérie de ce lieu.
Désert.
Cette peinture ne figure pas le désert,
n'en donne aucune image, ne l'exprime pas, mais en donne l'esprit. "Un
désert mental, désert où la soif ne peut être assouvie à aucune oasis, où
l'agoraphobie n'est pas géographique, mais psychique, où la lumière est aveugle
et le soleil brisé. Je n'ai pas assez de
mots pour dire ce que je tente dans ma peinture, sans doute parce que ce que je
tente c'est cet impossible sans nom". (FB. Lettre à Alice Baxter).
Est-ce de l'inconnaissable, de l'inconcevable mémoire du monde, dont l'artiste
s'approche, sans jamais en cerner l'énigme?
Pas la négation pure, pas un absolu
d'absence. Mais un lieu bruissant, où passent des "rumeurs",
frémissements de vide, clartés avortées, masses d'ombre.
Parfois, une allusion d'éclat laisse
entrevoir l'envol... éros suspendu.
Parfois, un trou noir, halo cendré,
annonce l'enlisement... éros englouti.
Entre ces deux pôles, des "fragments
frissonnants" (2).
Comme une pulsation du corps, d'un corps
obscur, d'un immense corps désertique.
"Le lieu devrait être celui de
l'oubli et de la mémoire défaillante, c'est-à-dire avec des accidents de
lumière, des pointes de clarté vive, des trous d'ombre, des cassures - et où il
se passerait des choses qui ne seraient pas annoncées... (3) "des
transports de lumière, des ombres noires, des tremblements d'étoiles" (4). Le murmure recèle une longue accoutumance
à l'intense, au drame, et refuse d'en livrer la douleur scandaleuse. Sans
épanchement et sans emphase, les couleurs ne déclament rien. Elles ne racontent
aucune histoire, ne décrivent aucun spectacle, ne divulguent rien de leur
traversée dans la vie du peintre. La couleur soufflée à voix basse en un lent
soliloque, expire en cris étouffés, en stridences informulées, propagés de loin
en loin dans la houle du silence. "N'entendez-vous par cette voix
épouvantable qui hurle de tout l'horizon et que l'on appelle d'ordinaire le
silence?" (5). Ce qui ne peut être dit, ce qui se devine dans l'excès
tumultueux du silence, saisissable au regard du sourd, est absorbé d'écho en
écho dans la mutité de ces tissus gorgés de vide, les touffes obscures de
l'espace peint. Éclats voilés, rumeurs... qui dépersonnalisent, dissolvent l'identité,
brouillent les pistes, et appellent au non-sens, dans l'impossible de tout
repère, de tout déchiffrement. Aucune certitude. La rumeur allie la fugacité de
l'éclair à une opacité de brume. Il y a seulement des "on -dit"
chuchotés – amnésies flottantes – dont le porte-à-faux est plus vrai que le
vrai. "Si nous n'en comprenons pas le langage, nous en entendons la
voix" (6). Elle seule suffit. Elle seule importe. Car cette peinture
ne cherche aucune justification dans le monde, ne donne aucune preuve de vécu.
Défaisant le monde des réalités, elle entrouvre le monde des possibles, des
utopies, en percée fulgurante ou porte dérobée. Ce qui se réalise dans cette
peinture, et ce qui s'irréalise dans la poésie, le rêve ou la mystique, se
rejoignent en ces lieux de grande altérité.
Labyrinthe éclaté, morceaux d'espace sans
préexistence d'un tout grand ordonnateur. Lambeaux de rêves vacants. Ce que
l'on frôle aux abords du sommeil, où le tangible et l'intangible s'embrouillent
en vastes coulées de somptueuses grisailles.
Le courant de la pensée se trouve soudain
suspendu, porté par d'interminables ondes colorées, avalé dans une mouvance
hypnotique dont le tableau détient le secret. On ne sait pas à quel moment on
cesse de regarder pour commencer à voir. On ne sait pas quand ni comment a lieu
la chute, la plongée ou l'envol. On ne sait pas si le corps est en état de
gravitation ou d'enlisement. Le vertige ravit à soi-même le corps
déambulatoire. Comment rester debout, au centre du silence, sans vaciller dans
son abîme? Aux confins du sommeil, le corps tangue. Balancement de la marche
dans le désert, désertion perpétuelle, où l'on désapprend à chaque pas.
D'abord, et enfin, la parole perdue. Le désert est le lieu de la parole vaine,
où s'aveuglent les mots à l'incendie solaire. Brûlés, calcinés par la radiance
noire. Seul, le souffle tient en vie, dans ces laps d'infinis déracinés, sans latitude. Voyageur
somnambule, le regard a quitté le monde, n'entre plus nulle part, est entré
dans le nulle part au monde, pour ne plus jamais terminer ce geste de venir.
Alice Baxter
1 - Marguerite Duras . 2 - Virginia Woolf. 3 - Marguerite Duras. 4 - Ruysbroeck. 5- Buchner.
6 - Malraux.
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Benrath
expose à Lyon une série de grandes toiles comme autant d'"étendues"
dont le nom révèle à la fois l'immensité, le dénuement et l'ambiguïté. Peinture
dont la lecture ne se paie pas de mots, difficile à cerner par le langage,
parce que de plus en plus dépouillée, de plus en plus dénantie des lois de la
grammaire picturale traditionnelle. Et pourtant, si la vision de cette peinture
ne laisse en mémoire aucune image définissable comme telle, loin de toute
référence anecdotique, naturelle ou symbolique, elle n'en reste pas moins d'une
prégnance extrêmement forte et persistante, proche de la fascination.
L'expression "nudité sans image" qualifie bien actuellement cet
espace peint, où physique et mental se confondent dans le regard nu. Cette peinture
ne représente rien sinon, dans la lisière d'un monde entre rêve et réalité,
entre plaisir et douleur, entre désir et peur, les zones obscures d'un silence
peint. "N'entendez-vous pas cette voix effroyable qui hurle de tout
l'horizon, et que l'on appelle d'ordinaire le silence"... dans ces lieux
hors frontières, déserts, indéchiffrables, seulement traversés de mouvances
troubles, de fluidités sombres, d'ondes obliques de brume ou de transparence,
d'opacité ou de clarté, brisant le vertige de l’horizontalité ? L'épaisseur et
la densité ne sont pas seulement synonymes de ténèbre, mais aussi de
l'énigmatique lumière de l'ombre, dans les sables de l'espace, sans nature et
sans nom.
Alice Baxter
Les Nouvelles Littéraires n° 26-27
Du 16 au 23 mars 1978
Exposition
Frédéric Benrath
Galerie Le Lutrin à Lyon
Du 25 février au 25 mars 1978